Tout d’abord, je salue la très belle musique de l’orchestre (direction Marius Stieghorst) et l’énergie des chanteurs. La qualité lyrique du libretto est là bien que les graves aient du mal à percer jusqu’aux derniers balcons où je me suis installé; j’ai apprécié le brio des artistes. La voix sûre d’Arduini (Leporello), très prometteur et l’assurance de Karine Deshayes (Donna Elvira) qui est à mon avis le personnage le plus poignant de cette distribution. Artur Ruciński donne du corps à Don Giovanni, indéniablement.

En revanche, je n’ai pas accroché la mise en scène. Sur plusieurs points en vérité : jeux des acteurs brouillons, trop de mouvements, manque de présence et pas assez de précisions sur scène. J’attendais peut-être trop du travail de Haneke. J’ai été déçu. J’aurai aimé sans doute plus d’abstractions, moins de « modernité ». La modernité n’est pas forcément le présent. Pour moi, tout ramener à aujourd’hui détruit la part de rêve et d’imagination dont est capable le spectateur. Socialiser les villageois en nettoyeurs est dérangeant car c’est tout l’aspect bucolique qui disparaît et rend caduque si je puis dire, l’espoir d’une possible innocence.

Dommage également que Don Giovanni et Leporello ne soient pas plus ressemblants physiquement. L’un est fluet et porte la barbe, l’autre est plus en chair et glabre du menton. Leurs différences desservent en partie la crédibilité des quiproquo de l’acte II quand les deux personnages décident d’échanger leurs habits et de se faire passer l’un pour l’autre.

Quant à modifier la fin de l’acte II, c’est un parti pris que je trouve aussi licencieux qu’ingénieux. Ce qui me gène, c’est le fait de désacraliser, de vouloir à tout prix le matérialisme. L’Opéra se dissèque à l’image des sciences, sans le génie, sans le mythe, sans la lutte prométhéenne. Le symbole du feu est devenu gravité -chute-. Et ce n’est pas Don Giovanni qui meurt, mais la société de consommation, trop sûre d’elle.