Je ne me lasse guère de mes souvenirs et photographies de Birmanie. Ma grande admiration pour ce pays est due sans doute à cette particularité : c’est le moins « mondialisé »L’emploi de mondialisé est évidemment un raccourci pratique, quoiqu’extrêmement imprécis. De par son histoire moderne, la Birmanie est restée repliée sur elle-même, et les bouleversements du monde externe l’a moins marquée que ses voisins. Son authenticité — voire son intégrité — fait son charme. Il est toutefois certain que l’ouverture du pays au tourisme de masse risque de reléguer cette authencité au rang de simple artifice. des états d’Asie du sud-est. Encore aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de penser à ces rues animées d’hommes en longyi — long pagne à motifs colorés — et de femmes belles au naturel ou avec tanaka, du parfum si particulier de la mangue, et des senteurs pénétrantes de la pomme cannelle. La publicité à outrance n’a pas encore envahi les rues et c’est apaisé que le regard curieux peut fureter. Les affres de la communication et consommation de masse sont à leurs prémices mais il est presque acquis que le renouveau birman s’accompagnera d’une intense libéralisation et d’une mondialisation des problèmes.Il ne faut pas perdre de vue que la radicalisation d’une partie de la population bouddhiste birmane a conduit à des flambées de violences à l’égard des minorités musulmanes, dans l’ouest du pays en particulier. Si le phénomène n’est pas récent, le ressentiment anti-musulman prend des proportions considérables, et l’ONU n’hésite pas à parler de « nettoyage ethnique » des Rohingya. (in lefigaro.fr, daté du 25.11.2016)

La mousson est souvent le moment des rencontres impromptues. Les cieux souvent sereins peuvent en moins d’une dizaine de minutes devenir de véritables chambres noires, humides et fauves. L’averse qui s’ensuit, malgré son intensité semble régaler la jeunesse qui littéralement s’y jette alors que les adultes tentent de sauver ce qu’ils peuvent car les objets commencent à flotter et à déguerpir dans les ruisseaux torrenciels. Voici une première photographie prise à Pyay. Alors que la mousson abat ses baquets d’eau, un homme, les bras ouverts, surgit de nulle part et court vers le stûpa pour prier. Son engouement et sa joie sont tels que je ne peux m’empêcher de saisir l’instant.

Souvent le long de la ligne ferrée, dans les campagnes, des enfants viennent pour saluer les trains. Les passagers n’hésitent d’ailleurs pas à le leur rendre. Cette fois, un enfant vêtu d’un petit longyi et fardé de tanaka lance comme un regard tendre en perdition.

Les portes des compartiments n’étant pas verrouillées, les passagers n’hésitent pas à les ouvrir pour prendre l’air ou fumer. Ici, dans la matinée, deux jeunes hommes semblent apprécier la lumière de l’aube après une nuit rude passée sur les bancs de la troisième classe.

S’il y a une chose que j’apprécie universellement, c’est le voyage en train : première ou cinquième classe, qu’importe, l’expérience en vaut la chandelle. Le microcosme social que l’unité du wagon rassemble pour une durée normalement limitée, ouvre l’espoir de connexions nouvelles. En Birmanie, l’allure du train a de quoi chagriner les gens pressés. Surtout que la chaleur est suffocante à l’intérieur du wagon et que seul le différentiel de vitesse permet la formation d’un courant d’air frais entre les rangées de bancs. Parfois la locomotive avance à une dizaine de kilomètres par heure, le temps pour certaines personnes de fredonner quelques couplets d’un morceau célèbre; d’autres attrapent quelques hautes herbes et des fleurs pour les dresser comme des bouquets dans la brise.

En soirée, les températures sont plus clémentes. Sur la photographie, des hommes, le sourire aux lèvres, déchargent des troncs d’arbres transportées par pirogues. L’aurore ne tardera pas à effacer les traces du jour dans un dernier reflet rougeoyant.

Au milieu des temples de Bagan, vers la fin de semaine ou en périodes de vacances scolaires, déambulent des marchands d’artisanat locaux – bijoux,longyi, laques –. Souvent ce sont des adolescentes qui essaient d’arrondir les fins de mois difficiles. Elles m’étonneront toujours celles qui parlent le français sans sourciller. Il y a des slogans en vogue au moment où je suis passé : « pas cher comme chez Leclerc »

L’entrée des pagodes sont des lieux de rencontres propices aux haltes. Leurs larges chapiteaux offrent un abri salvateur contre la chaleur tenace des après-midis. Les enfants en profitent pour faire une sieste à l’ombre et au frais pendant que les adultes accroupis s’échangent des histoires.

Aux champs, les travaux avec les buffles ou les boeufs sont habituels. Le fracas des machines ne résonnent pas encore dans la campagne birmane. Ici, tout va lentement — belle prérogative des sociétés pré-industrielles.

Si grand et populaire est-il, le « festival des lumières » peut se fêter de façon intime. Nul besoin de grandes cierges ou de feux d’artifice grandioses pour y participer ou pour se faire entendre. À l’instar de cet enfant, de nombreux habitants préfèrent la modestie des bougies.

Parfois deux trains s’arrêtent face à face et des vendeurs et vendeuses surgissent dans l’interstice pour y proposer provendes à profusion. Cela va des petites choses à grignoter, au traditionnel plat de pâtes. Les marchandes portent habilement un large plateau rond sur la tête.

Dans les fabriques de tissus, les femmes travaillent dans des conditions quelquefois difficiles. Le vacarme est constant, et les rouages des tisseuses mécaniques et anciennes battent du métal dans un fracas assourdissant. Le sourire et la jovialité sont pourtant sur toutes les lèvres. Ici, des enfants parviennent à rêver au milieu des fils de couleurs.

Les habitations sont souvent très simples, faites de bois et de clous avec des motifs en bambous et en natte surprenants. Comme en Thaïlande, l’usage veut que l’on se déchausse avant de pénétrer dans le logement.

Les écoliers portent l’uniforme réglementaire : une chemise blanche et un longyi ou htamein.

Après les cours, alors que le soleil s’engouffre à l’horizon, des étudiants se distraient par une séance de football. Les birmans sont très friands du ballon rond; souvent, ils forment un cercle et jonglent avec la balle. Leur habilité m’a toujours stupéfié. On peut en croiser à tous les coins de Birmanie, même au coeur des grandes villes comme à Rangoun.