La ville de Porto jouit d’une géographie et topographie avantageuses. Bordée par l’océan d’un côté, qui apporte son air frais, son vent impétueux et ses senteurs salines, elle repose sur un amas de collines qui lui confèrent un relief assumé et aérien. Cette générosité de montées et descentes est un peu l’épice de ces lieux où se perdent volontiers les chercheurs d’ombres et de brises. Dans la torpeur languissante du fourneau de l’après-midi, toute salve fraîche est bienvenue.

L’été est à la fête.On décore les rues, les lignes de fanions donne un air de fiesta et se mêlent indifféremment aux drapeaux portugais et aux vêtements en train de sécher. Il n’y a que dans nos cultures policées du nord pour interdire bêtement de suspendre aux balcons les habits mouillés au prétexte qu’ils pourraient gâcher la vue de ceux qui contempleraient le bâtiment. Ici, on ne s’embarrasse visiblement pas de questions de cet ordre et les vêtements font partie intégrante du décor.

On ne peut s’empêcher en traversant les ruelles de sonder de la narine les parfums remugles qui exsudent de partout, comme si le temps s’était arrêté par endroits, laissant aux connaisseurs la primeur de lever la poussière. Et quel plaisir! La ville regorge de lieux secrets, d’échoppes engoncées dans des corridors sombres, d’arrière-cour où chantent des fontaines, d’esthètes du farniente aux sommeils et aux rires faciles.

Les pastelarias, troquets où l’on consomme des sucreries, sont particulièrement prisées à toute heure. Ces sortes de bar, mêlant familles, amis et collègues semblent l’antichambre officieuse, le prélude aux grandes rencontres, le lieu des confidences et des intrigues, l’antre des sucreries et des gâteries. On en trouve partout, à tous les bouts de rue, et, sur leurs présentoirs, les gourmandises, quoique légèrement trop sucrées pour mes papilles, sont un régal pour les yeux tant elles sont diverses. Je peux sans trop m’avancer affirmer, que chaque commerce a ses propres recettes et spécialités.

Je me donne la vieille halle du marché central pour but immédiat de mes pérégrinations, alléché par des envies de senteurs et de couleurs. Inutile de recourir à une carte pour s’orienter, les rues par leur étroitesse sont une invitation à déambuler, à se hasarder; à grimper par une voie, dériver par un passage en biais sans intérêt et de parvenir jusqu’à une place grise de monde

  • suivre les ombres. Les silhouettes se dessinent avec grâce sur les pentes de la ville sous le dardant soleil.

Le marché central ne paye pas de mine depuis l’extérieur. Son aspect vétuste lui donne pourtant un petit cachet d’attraction, et je ne m’y attarderai pas aussi longtemps que voulu. En effet, les étals sont peu nombreux et les principaux acheteurs sont des touristes.Inutile de dire à quelle point j’ai été déçu! Je pensais y trouver des olives à foisons. Nada, rien de cela, même les légumes sont pâles et la viande sue sous le soleil à côté de poules et lapins en cage.

J’aime beaucoup la photo précédente, cet empilement de différents plans et d’histoires, ces lapins que l’on note après avoir parcouru le reste de l’image. Plus loin, au détour d’un rayon, je découvre un couple de portuguais en train de faire leurs emplettes. J’en profite pour prendre une photo.

Au marchand de pain, je prends un bout de broa solide comme un roc et très parfumé. Il a l’aspect d’un porridge solidifié et plus sec, mais son goût est incomparable et je me rassasie de cette découverte nutritive. Les rayons de fleurs n’attirent guère les chalands. Les allées du bas sont désertées et seules quelques vieilles dames dans leur tunique bleue tiennent office, au milieu d’une flore déséchée sur laquelle le temps n’a visiblement plus d’emprise.

Puis ma promenade se délite. Je vire de gauche à droite, puis de droite à gauche. Sur le chemin, plusieurs épiceries dites « fines » vendent des vins, huiles d’oilve et autres conserves. On trouve rarement d’ailleurs à ma grande surprise d’olives en vrac qui soient de qualité. Toutes viennent plus ou moins des mêmes sources et n’ont qu’un intérêt gustatif limité, hélas.

Tout promeneur sait toutefois que l’exploration est la quête même, et Porto, aux premiers contacts, me paraît le dédale parfait pour les lunatiques. Je finirai ma journée dans un charmant restaurant au décor authentique. Mais plus que la décoration, c’est la forme, ce mélange d’art mauresque et d’arabesque ibérique qui me fera rêver jusqu’au soir.