Il faut changer de train à Nine pour se rendre à Viana Do Castelo. Là, sur le quai, face à moi, patiente une portugaise songeuse dont le regard valse avec les trains. J’ai voulu dans ma première image donner une sensation d’évasion comme une invitation au voyage, cependant après réflexion, je la trouve mélancolique. Le soleil est quasi au zénith et l’attente dans la fournaise de la station commence à durer. La chaleur est troublante à l’horizon. Heureusement la gare est ouverte au vent. Chaque frisson de l’air caresse mon corps humide me rappelant ces jours d’été atones et brûlants dans le sud de la France où je passais le temps immobile à épier les moindres tressaillement de l’herbe. Le voyage, ce sont des déplacements, des découvertes, mais aussi beaucoup d’attentes. Chacun gère son temps à sa façon. L’ombre pour moi est accueillante, ainsi qu’une hôtesse qui vous sourit. Mais d’autres trouveront le soleil plus chaleureux :

Arrivé à la gare de Viana, je longe les rails direction l’hôtel. Les rues sont plongées dans l’aphasie de l’après-midi. La blancheur des murs est aveuglante par instant, les silhouettes s’affinent à l’extrême, mais ce qui surprend davantage, ce sont les poussées de vents véhémentes et insistantes qui déferlent sur cette ville balnéaire. La puissance d’Eole est telle qu’elle me fait tourner la tête à plusieurs moments. Evidemment, en passant par le centre ville, on apprend rapidement quelles rues sont des gouffres à air, et lesquelles sont des havres d’immobilité. Tout dépend de leur orientation. Alors on optimise sa marche pour éviter les violentes rafales sauf pour s’y rafraîchir momentanément, et à chaque bourrasque, on tire son chapeau de crainte d’être décoiffé. Mais malgré cette marque de respect, les autans ne me lâcheront plus de toute la journée. Voici, sur le chemin, un vestige d’architecture des années 70.

Un peu plus loin, je profite d’un temps mort, pour boire un peu d’eau et observer les bâtiments. Soudain, des enfants à vélo défient les courants d’air, filent à travers les ruelles illuminées de l’après-midi.

Dans le centre-ville, les habitants ont déserté les rues. Mais les pastelarias n’en sont pas moins garnies, de pâtisseries comme de clients. Je lorgne sur ces « jesuitas » finement ciselés qui me paraissent la fleur de ce qui se fait dans cette ville : plusieurs couches fines d’une pâte succulente, surmontée d’une crêpe méringuée, trop sucrée à mon goût. Les avis divergent concernant son titre de « meilleur jesuitas de Viana ». Je n’aurai pour ma part, pas l’occasion d’en essayer d’autres.

La localité dont la verdoyance charme et étonne, se tient sur les rives du fleuve Lima. On ne peut être que frappé par l’excès, voire le zèle, de verdure qui se déploie aux alentours, des plages aux sommets des collines, alors que le soleil répand sa sécheresse et brûlante candeur. Les bords du fleuve sont accessibles très directement. Un voyageur solitaire croisera certainement ce pont et tentera, si l’envie d’aller plus près de la plage lui tient, de le traverser.

Certes, pourrait-on rétorquer, pourquoi se résigner à se baigner dans le fleuve, lorsque l’océan n’est qu’à une centaine de pas de plus. A ce propos, les difficultés sont les mêmes qu’à Porto : l’océan Atlantique apprécie davantage les surfeurs que les nageurs et ses vagues et remous rebutteront même les professionnels de la brasse. Alors autant se tourner vers le Lima dont la douceur semble être sa qualité. Ses flots liquoreux dont on peut se douter qu’ils nourrissent le Vihno verde de la région, sont invitations à la baignade. Les enfants, en vacances scolaires, apprécient aussi bien sa fraîcheur que l’ombre des platanes et des eucalyptus qui bordent le rivage.

Il est possible pour les plus courageux des curieux de se hisser sur la colline au nord de la ville, par seule force de ses jambes. Les moins aguerris préféreront de loin le funiculaire. Les autres seront forcément enchantés par l’ascension à travers des massifs de pins aux parfums suaves et verts. L’odeur est caractéristique : douce et fruitée. Sans nul doute, tire-t-on de ces arbres vigoureux la meilleure essence et le peintre averti sait quel prix à la térébentine des pins du Portugal. Au delà, au pied de l’église qui surplombe la ville, la vue est somptueuse. Il y a peu de gens, alors on peut s’y délecter en secret.

Sur la place, deux photographes préparent leur chambre 13x18. Leurs machines aux allures de légo, font le régal des touristes, surpris qu’une telle chose puisse encore être capable de délivrer des photos. La photographie suivante en montre une; j’aime beaucoup cette image : multiples en soi. L’homme en bas à gauche semble poser pour une photo quand l’autre personnage à droite attend une commande de prise de vue. Il y a comme un double jeu, un renvoi de l’un à l’autre.

Bien sûr, il serait injuste de ne pas montrer le monument lui-même qui n’est pas anodin. Il me rappelle le sacré-choeur de Paris. Vue de devant :

Puis de derrière, sur les hauteurs :

Cette escale au nord du Portugal est surprenante : la luxuriance de la végétation et sa diversité, les rafales qui vous donnent le tournis, l’impression d’une station touristique des années 70, tombée en désuétude et surtout l’histoire si marquée et présente - par l’architecture entre autres -. A Viana, se mêlent presque paradoxalement ardeur et indolence.