Porto - Elévations
J’avais pour idée de faire l’ « ascension » de Porto, littéralement de partir du bas, sur les flancs du fleuve Douro, pour gagner les hauteurs. Il est difficile à vrai dire de s’en tenir à un seul itinéraire et les tentations de s’écarter des chemins touristiques pour l’accalmie familière d’une traverse cachée sont trop bien trop nombreuses et inévitables. Le périple débute sur les quais, entre les restaurants et cafés bondés de touristes d’un côté et les rives de l’autre. Les ponts sont surprenants à Porto. Quoique d’acier, ils allient dans leur mouvement arqué, la grâce et la légéreté. Au pied du pont Dom-Luis, un air de fête prévaut et c’est sous le regard d’adultes intrigués que l’on note des enfants en pleine baignade.
Plus loin, alors que les galères de la modernité défilent chargées de touristes d’une rive à l’autre, le passager du jour croisera deux charmantes demoiselles en pleine conversation et dont les mots lui échapperont. Le soleil n’est jamais de trop pour ces têtes juvéniles baignés à la jouvence du Douro, dont les vallées sont gorgées de vignes à la liqueur si douce et marquante. Seul le casanier qui n’aurait vu le soleil que dans le reflet à l’extérieur de chez lui -voir pire sur le site météo internet- se trouvera gêné par l’éclat vif de la lumière de ces lieux.
Le street-art est très présent dans les lieux publics. On en croise de diverses tailles, signés par plusieurs artistes. Il y en a même sur le sol qui utilise des objets pour en faire des extensions en relief ; je ne les ai malheureusement pas pris en photos. Si on ne les voit pas toujours, eux au moins ne nous manquent pas !
En altitude, la ville se disperse en quartiers plus ou moins animés.Sur les places principales, des kiosques offrent des services multiples et il n’est pas rare en raison de leur ombrage que des badauds profitent du lieu pour causer un instant. Il n’en faut pas davantage parfois pour créer une histoire. Tout peut s’acheter : des guides, des tickets, des places. La population portugaise est accueillante et n’hésite pas à vous orienter s’ils vous pensent perdus, ce qui produit toute sorte de discussions surréalistes, surtut lorsqu’on ne connaît pas un mot de la langue !
En même temps, l’on n’est pas obligé d’utiliser ses pattes pour grimper. Les bus ou les tramways vous font visiter les parages sans effort. L’attente peut être également le moment de bronzer, de se laisser gagné par la torpeur de l’après-midi.
Mais privilégiant la marche, je décide de gravir tous les degrés. Les ruelles désertées par les touristes ne sont jamais totalement inanimées. En effet, l’on peut voir souvent des habitants accoudés aux fenêtres, ou assis devant leur immeuble en famille, à discuter. Certains se parlent, s’interpellent, se taquinent même au dessus de la rue. Ici tout se sait, tout s’entend. Les radios comme les téléviseurs bourdonnent à l’heure du football ou des informations. Les hommes ont le torse nu, les femmes en robe légère. Les paysages s’ouvrent à mesure que je monte. Je m’arrête un instant sur les contreforts pour souffler et scrute les environs. La vue est magnifique.
En jetant un regard vers le bas, je suis frappé de la distance déjà parcourue. Les silhouettes humaines semblent écrasées mais leurs ombres allongées par le soleil tardif leur donne une certaine contenance. La lumière est tranchante et les contrastes sont durs. Le graphisme l’emporte sur la poésie comme le concept efface les mots.
J’aimerai terminer ma course dans un de ces jardins qui font des canopées célèbres, alors j’en choisis un au hasard. Ce ne sera pas le plus haut point topographique à proprement parlé, mais certainement le plus rafraîchissant et le plus évasif. Sous les feuilles, à la faveur d’une brise, je peux prendre place en face d’un panorama démesurément grandiose. C’est un repos mérité même si je ne saurai dire si mes jambes sont fatiguées ou non ; seule l’impression agréable d’une élévation persistera au terme de cette escapade modeste dans un Porto inconnu.
Tout à coup, surgit une demoiselle en robe blanche qui s’installe face à moi ; presque furtivement car elle continuera son chemin après un bref regard sur le fleuve. Ainsi finit ma virée d’un jour.