Ganzi (Gârzé) Tibet oriental
Jeune tibétaine menant son troupeau.
En quittant le Sichuan, il est difficile de s’imaginer une ville tibétaine. Juchée à 3000 mètres, la ville de Ganzi n’est pas si aisément accessible, même si chaque jour l’état de la route s’améliore. L’étrangeté du plateau tibétain tient d’abord à son climat plutôt doux, ses steppes florissantes, ses vallées étroites et ses forêts de pins qui surprendront plus d’un savoyard. (Sans compter les cactus qui bordent par moment les chemins) Le territoire lui-même est lieu de signes et de symboles que seuls les initiés comprendront.
La grandeur des espaces bordés au quatre coins par des sommets enneigés ou par des glaciers millénaires a de quoi rassasier le voyageur timide. Ici, les motos jaillissent de partout, les trottoirs défoncés et poussiéreux laissent peu à peu place à des voies à bitume et les constructions chinoises fleurissent à une vitesse fulgurante au coeur de la nouvelle ville. Des aires entières de béton sont hissées verticalement. Il reste cependant des endroits d’artisanats locaux (fabrication de meubles) où s’épousent à loisir poussière et vapeur de brioches.
Le quartier tibétain, au nord de la ville, possède le charme de sa vétusté. Ses rues boueuses sont souventefois chargées de pélerins, qui vont et viennent jusqu’au monastère (gompas). Les hommes ont la peau tanné par le soleil et le cheveu sec et soyeux quand les femmes, le temps d’une tasse de thé au beurre de yak, se découvrant le visage, laissent entrevoir un pan de leur candeur relevé de deux tâches rousses sur les pommettes. Il n’en faudra pas plus, ni plus longtemps pour reprendre le souffle et continuer à gravir les marches jusqu’au temple.
Tout en haut, les foules se rassemblent autour des lamas et moines en méditation pour certains, à déjeuner pour d’autres. Les pélerins visitent un par un les lieux sacrés puis trouvant une place à leur convenance, s’installeront pour un pique-nique. Le parcours des salles se fait toujours dans le sens horaire. Tour à tour les fidèles buvront l’eau sacrée (sucrée et herbale) déposée par des moines au creux de leurs mains. Depuis le monastère, la vue est somptueuse ; je ne me lasse guère de suivre du regard toutes ces crêtes blanches et accérées qui font la dentelle de l’arrière-plan. Les vallées et les collines en terrasse, bien que chauves, confèrent à ce paysage déjà sublime, un degré d’évasion qui laisse présager la féérie du plateau tout entier.
Dans les environs, les balades sont infinies. Tant que le beau temps persiste, il est littéralement impossible de se fourvoyer dans ce paysage grandiose de reliefs, d’ombres et de yaks. Tout écart est une invitation au voyage et la quiétude. Le soir, les bergers font la ronde et rassemblent les animaux. Leurs silhouettes oblongues cheminent à travers les landes de graminées. La ville paraît si lointaine depuis le vertige des sommets.
Les lamas à la tombée du jour retournent au monastère, les fidèles font tourner les mantras une dernière fois. Les places tant occupées en journée sont maintenant désertées. On peut entendre au loin les aboiements des hordes de chiens sauvages.
Au profane, il restera ce cimat doux et serein, ces lents « tashi-delay » (bonjours) qui illuminent ces différentes figures du Tibet, ces jeux de roues à tourner qui font défiler le temps dans une valse suave.