Shaolin I
Aujourd’hui un petit article sur le temple Shaolin, centre du « Gung-Fu » et du bouddhisme Chan.
En y arrivant sur les lieux, il est difficile d’ignorer le tourisme de masse. L’entrée dans le parc n’est pas gratuite et ressemble fort à ces comptoirs de fêtes foraines où l’on fait la queue pour le moindre tour de manège. Le parc est vaste et il faut plusieurs jours pour en faire le tour complet. Fort heureusement, une fois le portique franchi, les clients peuvent reprendre leur souffle dans les mini trains (eux aussi payants) qui font la navette entre les différentes parties fonctionnelles du parc : téléphériques, temple Shaolin, domaine touristique (comprendre hôtels).
Il est à parier que des milliers de touristes s’y rendent pour se promener sur les hauteurs du mont Song (montagne sacrée du Taoïsme), voir les démonstrations des moines ou encore visiter le temple lui-même ou la forêt de pagodes. Les bâtiments ayant connus alternativement des périodes fastes et moins favorables, ont été détruits puis reconstruits plusieurs fois et il ne subsiste presque rien de la construction initiale. Il ne faut pas s’attendre à examiner des ruines millénaires bien que l’on soit tenté de le faire. De toutes les façons, le mot « original » prend en Chine une signification tout autre, comme c’est souvent le cas dans les pays d’Asie. Le principe d’impermanence n’y est peut-être pas totalement étranger. Entrons donc dans ce monde mystérieux qui mêle sans désaccord apparent, est-on tenté d’ajouter, sagesse bouddhiste, arts martiaux et randonnées.
La journée commence tôt, vers cinq heures. Ici au temple Shaolin, les lève- tard n’ont pas leur place. Chaque école possède son propre emploi du temps, mais il est rare de débuter après six heures. Dès l’aube, donc, les cris d’enfants vont épouser les cocoricos des coqs, au pas de course, sous la vigilance d’aînés. Les ruelles, les chemins sont pris d’assaut par des cohortes de corps juvéniles, tantôt en T-shirt, tantôt torse nu ; et s’il y a bien des rires parmi les foules, il y a aussi de la douleur dans le regard de certains prétendants.
Les raisons d’être à Shaolin sont multiples. Beaucoup d’élèves y entrent jeunes, très peu survivent à l’entraînement, et rares sont les élus qui peuvent continuer au sein du temple officiel. Pour la plupart, la vie y est simple, réduite à des entraînements journaliers, quasi-militaires, avec son lot d’injustice et de souffrance. Suivant les écoles et les prestations souscrites, les étudiants sont plus ou moins choyés Tout peut changer selon le tarif : confort de leur couche, la propreté des douches et toilettes et la qualité et quantité de la nourriture. Pire, m’a-t-on relaté, les professeurs ne sont parfois pas meilleurs que les élèves et infligent au nom de la discipline et de la soumission des traitements indignes et sévères. Ces abus d’autorité demeurent toutefois rares.
Après l’échauffement, c’est l’heure des Ji Ben Gong et autres joyeusetés. Quelques étirements au passage et des bousculades amicales, alors que la température frôle les vingt huit degrés. Comme je le mentionnais au début, plusieurs écoles sont disponibles sur le site et il est difficile de se faire une idée de l’enseignement dispensé en leur sein sans y participer soi-même. Le plus notable, c’est ce qui se passe au grand air, en public. Il y a clairement des différences de qualité entre les pensions et les institutions. Lors de mes pérégrinations, il m’est arrivé de voir des enfants en haillons, les chaussures trouées participer aux activités.
Qu’en est-il véritablement de l’apprentissage ? La répétition est à la base de l’enseignement. Les gestes sont appris, puis jour après jour recommencés, jusqu’à atteindre la perfection. Comme dans tous les sports, l’étude du Kung- Fu et son application demanderont des années, voire de décennies de pratique. Il est certain que d’ici là beaucoup d’enfants auront abandonné, mais cette base qui requiert souplesse et patience devrait néanmoins les aider dans leur vie future. Quand on parle de Shaolin, on pense également au Bouddhisme Chan. Y a-t-il un lien avec le Kung-Fu ? Et la méditation, que dit-on d’elle ? A ma connaissance, il n’y a presqu’aucun cours de méditation à Shaolin et les études du bouddhisme ne sont pas une priorité, pas plus que les études « normales ». Que reste-il de l’enfance à Shaolin ?
A suivre …