Festivités de la donation à Hsipaw
Chaque année, à Hsipaw, région Shan de la Birmanie, se tient un festival bouddhiste important, quelques jours après la fête des lumières au mois d’octobre. C’est l’occasion pour les ethnies Shan de se rencontrer, de sortir et faire la fête. Comme souvent en Birmanie, les festivités sont colorées et les petites mains des cuisiniers ambulants redoublent d’efforts pour honorer la cuisine locale. C’est donc ravi que j’ai pris part aux festivités. Mais reprenons depuis le début …
En cours de mes déambulations au sud de la ville, je notais une activité importante de forains et d’étals qui me semblaient hors norme pour la taille de la ville. Alors que je franchissais le seuil de la pagode Bawgyo, une cohorte de nonnes pénétra dans le bâtiment à l’entrée, chargée de roses. Cette affaire qui me parut suffisant suspecte pour m’intéresser, me donna le courage d’enquêter à mon gré.
J’eus, pour ainsi dire, mes réponses très rapidement car un homme de la région m’apprit qu’il s’agissait des préparatifs de la grande fête du don qui aurait lieu le lendemain. Avec bienveillance, il m’expliqua tout de la cérémonie et m’introduisit auprès du vénérable suprême avec qui j’eus une franche discussion. Mon premier interlocuteur était journaliste dans la province et j’eus tout le loisir d’étancher ma curiosité en buvant ses mots en anglais. Nous nous séparâmes après que j’eus pris quelques photographies.
Ce ne fut qu’à mon retour à l’hôtel que je pris conscience de l’importance de la fête qui s’apprêtait. Il y avait une tension palpable dans les rues, des rires plus aigus ou je-ne-sais-quoi qui conférait à transformer l’ordinaire quotidien en feu d’artifice. Les jeunes gens se serraient davantage, les regards devenaient langoureux et les enfants débordaient d’une énergie insoupçonnable encore la veille. Les échoppes fermaient plus tôt qu’à l’ordinaire, et les marchands prenaient des allures hardis et pourtant si modestes, au lieu d’afficher une tête des mauvais jours de vente.
Les préparatifs consistaient en un buffet en l’honneur de Bouddha, sur lequel étaient dressés des fruits et des légumes découpés et sculptés très finement par des mains habiles. Les nonnes qui ciselaient les pastèques, ne se contentaient pas de faire quelques trous à l’instar des citrouilles d’Halloween ; elles leur donnaient des aspects nobles et inventifs au caractère ouvragé et détaillé. D’autres nonnes s’attelaient aux décorations florales. Je reconnus dans une jarre les roses qui m’avait tant attiré l’oeil avant que je n’entrasse dans le bâtiment.
Tout se faisait en silence – monacal –, quoiqu’un air de gaité discret rivalisait sur les figures des participants et participantes. L’ambiance était sûrement à la fête ; et j’étais loin de me figurer la grandeur et la signification de l’évènement du lendemain. Quand on arrive à Hsipaw, modeste village sur la ligne de train jusqu’à Lashio, on ne se doute guère que des milliers de personnes puissent irriguer les rues.
La nuit s’écoula presque sans heurts. A vrai dire, j’eus du mal à dormir car dans la ville résonnaient déjà des sonos sur des musiques électroniques qui meurtrirent mes oreilles. Ce ne fut que le lendemain, vers midi que je me rendis compte de l’ampleur du désastre : Hsipaw tout entière semblait aux prises de légions de chars, propulsés par des moteurs de fortune, le tout noyé dans une marée de musiques très variées et surtout très bruyantes.
Mais quelle liesse dehors ! Il fallait les voir tous ces gens, parfois venus de loin, soit participer sur les chars de donation, soit dans la foule débordant sur les côtés de la route. On y venait en famille, endimanché. Ce fut un tel excès de couleurs et de tissus seyants, de tanakas sur le visage, de pastèques rafraîchissantes, car n’oublions pas, les températures frôlaient aisément les trente cinq degrés sous le soleil ardent et l’atmosphère était pesante d’humidité. Mais les inconvénients de cette météo habituelle ne semblaient guère décourager les participants.
Le défilé de chars ne tarissait pas. Les jeunes gens passaient et venaient, saluaient leurs amis, faisaient des clins d’oeil à leur famille. Il y en avait pour tous les goûts : pour les technophiles, pour les folkloriques … comme je m’étonnai que la proportions de danses folkloriques était bien menus comparés aux musiques plus modernes, on me répondit que c’était la jeunesse qui avait décidé du choix des musiques et qu’apparemment, les chants traditionnels n’avaient pas fait l’unanimité. On leur avait préféré leurs pendants pop américains. Une partie des jeunes en tous les cas.
La chaleur m’incommoda plusieurs fois, et je dus retourner à ma chambre. A chaque fois, ce fut une aubaine pour ma casquette que j’épongeai vigoureusement au dessus du lavabo, avant de la laver. Je profitais de mes haltes pour discuter avec mon hôtesse. Une fois, lui ayant dit deux mots sur le choix des musiques, je tentai de lui extorquer quelques aveux : elle non plus n’aimait pas la prose musicale qui avait été retenue, ayant dans sa jeunesse pratiqué des danses traditionnelles.
Jusqu’au soir, alors que les centaines de chars pleins de leurs trésors se dirigeaient du nord au sud de la ville, vers la pagode Bawgyo, Hsipaw vivait à l’heure du raout où les beautés Shan semblaient s’être données rendez-vous. Situé face à l’entrée de la pagode, le marché improvisé, long d’à peu près deux cent mètres fournissaient le gros des denrées et des distractions.
Voici d’autres photographies, portraits ou scènes de rue captées lors de cet évènement.
Défilé de chars
Enfants à la fête
Tambours battants
En famille
A l’ombre
Jeunesse Shan
Le ramasseur d’ordures
En attendant l’arrivée des chars
Jeunes filles
Jeunes hommes
Fille au foulard de couleurs
Arrivée de dons à la pagode
Regards sur le défilé
En costume de fête