Restauration d'une clarinette alto Pedler Custom Built
Quelques étapes de la restauration d’une clarinette alto Pedler Custom Built
Commençons par le plus intéressant. Pedler est une marque américaine dont les usines étaient situées à Elkhart (Indiana) comme beaucoup de fabriquants américains d’instruments de musique. Notre clarinette est un modèle Custom Build, et a la chance d’être faite en résine (hard rubber), ce qui permet d’être jouée en extérieur! (évitez la pluie néanmoins)
Comme d’habitude, j’essaie d’imaginer où et quand a chanté cette petite merveille. En 1930, après le rachat de Harry Pedler par Martin & Co ? Dans une woodwind band comme c’est courant aux Etats-Unis ? Dans un orchestre ? La clarinette n’a pas l’air d’avoir trop souffert esthétiquement, le pavillon n’est que légèrement cabossé. La sueur a certes attaqué la résine en certains points, comme l’a été également le revêtement galvanisé sur les plateaux. Oui, elle a la particularité d’être à plateaux et non à anneaux.
Heureusement, elle n’est pas initialement en mauvais état. Même si les tampons ont été déjà changés naguère, celle ou celui qui les a posés n’y est pas allé de main morte : il y a de la colle à foison, et les tampons semblent des morceaux de coton - mais ce sont bien des tampons de baudruche-. Hélas, elle n’est pas totalement étanche, certaines clefs sont déformées, des vis ont des têtes cassées.
Tampons originaux
Bref, il va falloir s’armer de patience.
C’est un instrument à large perce donc il faut s’attendre à un son puissant et quelques déconvenues sur l’intonation, même si on peut toujours rêver et avoir quelques surprises.
Bec
On remarquera un clétage bien épais, de fort bonne qualité, réglable en maints endroits, et plutôt bien articulé. Le bec est d’origine. Sur la photo, on notera que j’ai déjà changé le liège original, complètement écrasé, par du fil vert poissé.
J’en profite pour changer le liège au niveau du cou Cou
Le démontage du corps du haut de l’instrument se passe sans encombre. Il faut évidemment y aller doucement, huiler et dégriper. Les vis sont dans un alliage très mou et pour celles qui n’ont plus de tête, je marque un trait au marteau, puis j’utilise un tournevis plat très fin délicatement.
C’est en démontant que l’on se rend compte véritablement de l’état de l’instrument. Les marques, la poussière, les débris de peaux, mais aussi les détails de la facture, qui, sans être extraordinaires, montrent nonobstant un soin particulier.
On reprendra la metallerie et la boiserie vers la fin. Nous ne sommes pas encore à la fin de nos tourments. En effet, le corps du bas donne plus de fil à retordre avec des vis coincées, des ressorts fragiles et acérés. Une fois le tout posé en ordre (oui, il y a une bonne quarantaine de pièces, qu’il faudra remonter correctement) sur la table, on nettoie les clefs, puis on allume une bougie pour retirer les tampons.
Les nouveaux tampons sont en cuir bruns de bien meilleure facture. Espérons que je ne fasse pas de faux pas!
Les vis sont nettoyées à l’essence. Ainsi que les pas de vis des boules.
Après avoir retiré la colle des anciens tampons et nettoyé les clefs, je remets un bout de colle à chauffer dans les cuvettes. Les nouveaux tampons sont collés un à un (cela prend un bon bout de temps car il y en a 25) puis selon leur placement, les clefs sont remises au fur et à mesure, en veillant à chaque fois que les tampons soient étanches, ce qui demande patience et doigtés. Je teste la résistance au papier de cigarette, puis les tampons sont ajustés selon leur hauteur sur le trou ; on vérifie le marquage et la pression nécessaire à exercer - et au besoin, on rectifie les lièges ou l’on règle les vis idoines, pour obtenir le jeu le plus léger. Parfois, j’ai l’impression que le retamponnage est un exercice d’acrobatie car certains endroits sont difficiles d’accès. Mais rien d’insurmontable.
On nettoie les trous avec un coton tige. Sur du bois, j’aurai appliqué de la graisse pour joint, pour améliorer les tonalités, mais sur de la résine, je laisse tel quel.
On peut opter pour de l’huile minérale fine, ou mieux du graphite, pour lubrifier les vis. C’est selon : dans le cas présent de l’huile fine sera suffisant car il n’y a pas de bois.
Enfin le tout remonté, on retire l’oxydation, on polit et lustre le clétage une dernière fois et le corps de l’instrument. Le pavillon bénéficie de soins particuliers. On ne lésine pas sur l’huile de coude.
On passe en mode réglage fin, en testant l’intonation. Pour cela il faut que l’instrument puisse jouer! A priori, il suffit de mettre un anche, de monter l’instrument … mais il y a toujours quelques petites fuites d’air. Les premiers sons raniment de vieux souvenirs. Quand on sent vibrer l’alto dans les mains, que la résonance est maximale, alors c’est le plaisir assuré! Reste à régler pour l’intonation parfaite (qui n’existe pas).
Et voilà le résultat:
Sur le plan acoustique, un gros son et quelques soucis d’intonation sur les notes de gorge, mais aisément corrigeable par le travail. L’alto demande de la ressource, du ressenti dans le souffle. Pour toucher les résonances, il faut apprendre les points forts et faibles de l’instrument et les compenser au besoin. Mais quel plaisir ! Parfait pour aller jouer au soleil!
PS: hélas, j’ai pris très peu de photo au remontage, car trop concentré et impatient d’en finir.