Restauration d'un violon mirecourt
Quelques étapes de la restauration d’un violon Gustave Villaume
Ce violon est arrivé non monté avec un chevalet en mauvais état, une cheville cassée, une âme inexistante et un vernis trop épais. En outre la volute n’était pas vernie. Le cordier d’origine est fonctionnel, en ébène.
Fait probablement par Gustave Villaume à Nancy dans les années 40-50, il montre un travail précis, une main sûre en particulier sur les filets, le chevalet et la volute. Cette dernière est finement taillée et arbore une géométrie particulièrement séduisante. Le fond est fait de deux pièces, très flambées et élégantes.
Nous trouvons peu d’informations sur ce luthier de Nancy. Sur ce site, Gustave et son frère cadet Jean Villaume livrent à l’ethnologue Hélène Claudot-Hawad quelques-uns de leurs souvenirs. Ce court témoignage ainsi que ses autres enquêtes auprès de luthier de Mirecourt apporte un éclairage sans détour de la condition de luthier de la première moitié du XXème siècle. Métier pourtant exigeant, nécessitant une formation longue, une main sûre et rapide, le luthier ou la luthière vivaient pour la plupart dans une précarité proche des ouvriers non spécialisés.
Ce violon n’a probablement jamais servi. Etait-ce un de ceux que le maître a gardé chez lui jusqu’à la mort ?
Je commence par réparer la cheville cassée en redressant la partie manquante.
N’ayant pas de palissandre sous la main, j’utilise un bout d’ébène plus sombre, que je rectifie puis que je colle. Enfin, je termine à la gouge et à la lime.
Je prends ensuite des scans du chevalet qui est assez beau et joliment fini. Il y quelques dégâts mineurs que je m’empresse de réparer, en conservant la courbe supérieure qui par ailleurs, n’est pas très prononcée.
Une fois ces petites choses finies, je m’attaque à l’âme. Comme j’aime l’originalité, je la découpe dans un bout de bambou aux fibres bien droites et très rigide. 6mm de diamètre … pour la hauteur, n’ayant pas d’instrument de mesure, j’y vais à tâtons en commençant par une âme de 45mm. Après plusieurs découpes, plusieurs essais, je parviens à déterminer plus précisément la hauteur : 50.5mm. Suivent une douzaine d’essais pour placer l’âme avec la pointe aux âmes, puis encore quelques dizaine de minutes pour placer l’âme à un premier emplacement.
J’en profite pour regarder par le trou du bouton. Les finitions sont excellentes. Tout a été poncé, la courbe de la barre des basses est très agréable, pas de traces de gouges.
A ce moment, commence le travail de nettoyage. Vu l’état du vernis sur la table (dégradé et épais en certains endroits), je décide de retirer le vernis d’origine de la table. En outre, ce vernis n’est pas particulièrement esthétique, et n’a pas de profondeur, contrairement à celui du fond et des éclisses (apparemment différent). Je préfère en mettre un autre. Et d’ailleurs, j’ai débuté sa préparation quelques jours plus tôt.
Après un travail pour enlever le vernis, je peux contempler le bois à nouveau et constater ses qualités. Après la préparation de la table, je commence par la recouvrir d’un enduit à base de plâtre de Paris, afin de fermer les pores et mettre une première couche sur laquelle le vernis se fixera. Le violon paraît laiteux à ce stade:
Voici la composition de mon vernis: 200g de gomme laque, 30g de sandaraque, 200ml d’alcool. Je l’ai préparé une semaine en avance et je le filtre avant usage, car il y a de la cire et quelques détritus.
L’application se fait au pinceau de 25mm de large. Il faut faire vite et être précis en même temps, car le vernis sèche en quelques secondes. Je rectifie au papier de verre 1200 et parfois avec du vernis dilué et un petit pinceau, afin d’uniformiser au maximum. Je ferai 10 couches et pas davantage car je ne souhaite pas surcharger la table inutilement.
Au fur et à mesure, le vernis devient brillant. J’essaie de parvenir à un aspect soyeux plutôt qu’un effet miroir. Pour cela, je reprends au papier de verre de manière très légère sur la volute et la table. Je crois ne m’être pas trop mal pris:
Enfin, après une nuit de séchage, voilà le résultat, une fois le tout monté (et testé!)
J’ai monté des cordes Vision de Thomastik. Je fais mes premiers essais et je déplace avec beaucoup de prudence, l’âme à sa position finale où cela me plaît le mieux. Je pense que le violon a par nature, un côté très chaud, alors le brillant des cordes Vision, permet de retrouver un peu d’équilibre. Le son est doux, puissant avec une belle réponse. Une très belle pièce!