Lofoten, séjour à Ramberg
J’avais envisagé de traverser Ramberg sans bivouaquer. Sa position le long de la route ne m’avait guère encouragé à y siéger, mais comme de coutume, entre les attentes et la réalité, il y a une différence non négligeable qui peut faire modifier les plans initiaux.
N’est-ce pas finalement ce qui caractérise la liberté du routard ? Le changement et l’adaptation. C’est, je crois, une grande qualité des voyages improvisés : se laisser subjuguer par un paysage inattendu et y demeurer plusieurs heures à l’observer, ou encore faire des rencontres humaines admirables et partager quelques temps heureux à goûter ensemble au plaisir de l’inopiné. Parfois, il suffit de peu pour que des âmes s’attachent momentanément. Bien sûr, il y a des tempéraments, et chacun fait à sa guise. La solitude est un bon gouvernail pour naviguer sereinement et ouvertement.
Sur la route
La route de Ramberg depuis Fredvang paraissait une formalité. Elle formait un mince cordon qui s’étendait sur deux ponts aériens, contournait une montagne puis ouvrait sur des commerces de poissons dont l’odeur pouvait à certains moments être inconvenante. En sa défaveur, elle était très fréquentée et il restait peu de marge sur côté pour marcher ou faire une halte, ce qui me chagrinait. Mais les lieux rayonnaient d’une belle énergie. Il n’y avait pas un angle sous lequel les paysages purent paraître médiocres. L’eau omniprésente rendait les montagnes encore plus grandes et majestueuses. La candeur des cimes finissait de m’enchanter et comme sous le joug d’une puissance aussi sublime que séduisante, je me laissais porter par la magie des réflections, perdant de vue le réel pour quelques arpents de rêves.
Plage et neige
En chemin, je rencontrais un autre randonneur qui venait en sens opposé. Il était également français et venait des Alpes. Après avoir échangé quelques bons souvenirs, nous nous séparâmes alors que le soleil nous accablait de son intense activité. De telles journées étaient précieuses car elles effaçaient les indicibles déboires météorologiques survenues au cours de l’aventure — déboires qui avaient la fâcheuse tendance de réduire le moral à une peau de chagrin. Qui peut apprécier d’être confondu dans la brume, gelé jusqu’au dos, après une chute dans un lac glacial et si loin d’une quelconque habitationVoir l’épisode du passage du col ?
Jeu de lumières
Ce fut après avoir vu cette plage bordée de neige que je me décidai de rester quelques jours à Ramberg. Le vent incessant qui déferlait du nord et piquait les oreilles ne me décourageait point, car le panorama sur la mer, la terre et les monts avait gagné mon estime et il aurait fallu me déloger de ma coquille en toile par la force pour m’y faire partir. Les environs étaient tout aussi fascinants et s’il y avait bien une chose qui surpassât en beauté toutes les élégantes infractuosités de ce sublime environnement, c’était ce coucher de soleil, qui gorgeait à chaque passage la mer d’une irréelle couleur.
Dernières lueurs à l’horizon
Le ciel des noces nocturnes succédait à ces floraisons tardives, ouvrant la possible venue des draps lactés. Combien de fois m’étais-je étendu emmitoufflé dans mon duvet, sur la plage désertée en laissant mon regard scruter les aurores boréales ! Elles ne ressemblaient en rien à ces clichés surréalistes que les photographes montraient ; à vrai dire, je les trouvais encore plus jolies dans la mesure où leur charme était discret et subtil et requérait une véritable attention de celui souhaitait les capter. Les voiles qui descendaient par vague dessinaient des flots radieux et évanescents.
Crépuscule au bord de la mer
En journée, je me promenais sur les plages, les grêves, les terrains abandonnés qui faisaient de parfaits sujets de photographie. Ce ne fut qu’au retour d’une de mes échappées dans le nord que je me rendis compte de la suavité de la baie de Ramberg : la couleur de l’eau, si turquoise, composait avec la neige, une palette pure, et la sérénité céleste scellait le tout d’une limpide lueur.
En descendant vers la plage
Si jamais vous montez sur le rocher — un solide gaillard !— qui domine le village, sans doute reconnaîtrez vous, en vous retournant, des éléments de la photographie suivante. J’ai failli tomber à plusieurs reprises tant la pente vers le sommet est abrupte. Mais quel régal pour les sens, pour peu que l’on ne se penche pas trop ! Au pied, vous aurez une image du site, le vent charriera peut-être ces relents de poissons secs. Avec un peu de chance, peut-être surprendrez-vous le vol léger des mouettes.
Vue en hauteur